ICI, LÀ ET AILLEURS

J'ai fait un rêve… 18 septembre 1924, avec ma copine Momo, enfin nous avons nos billets pour assister à une séance de cinématographe au Louxor.

Nous sommes arrivées bien en avance et tout en patientant à l'extérieur j'ai eu le temps d'admirer la façade avec ses superbes mosaïques de Tibéri. Des soleils ailés, des fresques de pharaons, je me suis documenté et j'ai appris que Silberbert en est l'architecte, c'est une des premières salles construite pour le cinématographe en 1921.

 

Bras dessus, bras dessous, nous partons joyeusement au Louxor !

Le cinéma dont on parle tant, pensez-vous donc, plus de 1000 places réparties sur trois niveaux, luxueusement décoré dans ce style cher à l'époque, profusions de lotus, papyrus, plafonds à caissons, panneaux ajourés à gogo.

 

Des fauteuils en acajou et velours gris beige très confortables pour nos fesses, une scène imposante avec ses rideaux de velours noir rouge et bleu, tout pour passer une belle soirée au cinématographe comme on dit à l'époque.

 

Elle va être longue la soirée, aussi mon programme en main j'en feuillette les 17 pages, de quoi lire, réclame pour les esquimaux, avec Momo nous adorons et nous n'en privons pas, nouveautés parisiennes, les derniers cancans du moment, les actrices vedettes Pola Negri, Lilian Gish.

 

Paula Negri et Lilian Gish

Deux films et pas n'importe lesquels, en première partie Baruch, "curieux film de mœurs israélites" , réalisateur André Dupont, malgré son nom typiquement français est un réalisateur allemand ! un jeune héros partagé entre son métier artistique et son identité religieuse et culturelle !

 André Dupont en action.

Ensuite, pause musicale avec l'orchestre, place ensuite à un spectacle d'ombres et enfin le grand drame muet de Jacques Catelain, tourné en Espagne, La galerie des monstres, Marcel L'Herbier en est le directeur artistique avec mon idole Jean Murrat, que de larmes en perspective ! Momo, elle, le cinéma c'est fait pour pleurer !

  

 Jean Murrat qui ne figure même pas sur l'affiche !

Le public suit allègrement les péripéties et dans la salle ce ne sont que soupirs, cris, on interpelle les acteurs, et aussi les musiciens quand la note n'est pas en accord avec l'action !La séance est finie et elle aura duré quelques 3 heures mais quel spectacle ! Nous rentrons heureuses, pleine de bonheur et d'émotions. Ah qu'il est beau le cinématographe ! 

 

Il n'y aura plus de "Prochainement" de sitôt. C'est la dernière séance en 1984.

Il continuera avec plus ou moins de bonheur sa vie de cinéma jusqu'à la dernière séance le mardi 29 novembre 1983. Seconde vie en  boîte de nuit très noire pour nuits très blanches dont la fermeture sera définitive en 1988.

Arrêt sur image, le rêve s'achève. Le Louxor n'est plus qu'une bâtisse fermée et abandonnée peut-être livré à des hyènes qui rôdent la nuit en ricanant.

2013, pareille à la salamandre, la salle mythique renaît
de ses cendres.

Grâce à l'action et à la mobilisation de ses habitants et amoureux du 7e art comme moi, la mairie de Paris l'a racheté à Tati en 2003 après moult débats, souvenez vous de la Pagode.

 

L'architecte désigné pour la restauration et l'aménagement intérieur, M. Pumain, a redonné son décor d'origine et en divisant la surface en trois salles.

Là ou le bât blesse c'est que la Mairie de Paris veut en faire un cinéma d'art et d'essai dans un quartier qui est un véritable carrefour cosmopolite ou les races se mélangent et s'interfèrent !

 

 

L'ouverture s'est faite en avril, la grande salle porte le nom du grand maître égyptien Youssef Chahine mort en 2008.
Bien sûr il est inscrit définitivement à l'inventaire des Monuments historiques.

Longue vie au Louxor afin que le rêve continu !

 

Cinéma Le Louxor, 170 bd Magenta - 75010 PARIS