ICI, LÀ ET AILLEURS

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PARIS 14e - BOBINO

 

Comme dirait Charles :
Moi, j’aime le music-hall.
C’est le refuge des chanteurs poètes,
Ceux qui se montent pas du col
Et qui restent pour ça de grandes gentilles vedettes.
Moi j’aime Juliette Gréco,
Mouloudji, Ulmer, les Frère Jacques.
J’aime, à tous les échos,
Charles Aznavour, Gilbert Bécaud”.


Bobinche comme on disait dans les années 60 c’était la petite sœur de l’Olympia aussi belle mais moins fière.

 

On remonte le temps…

On enclenche la machine à remonter le temps, exactement en 1817.
Rive gauche, deux salles de théâtres se font concurrence, l’Odéon et le Théâtre du Luxembourg au bout de la la rue de Fleurus, tout près du Luco. L’Odéon, c’est le théâtre élitiste, qui joue les grands classiques, on connait, il est toujours là.
Le Théâtre du Luxembourg, c’est du populaire avec ses troupes de saltimbanques, lui, il a disparu depuis longtemps !

 

                               En 1846, 1960 et en 2012.

 

C’est plus ou moins une baraque en planches, faite de bric et de bro, anciennement une grange. Le propriétaire est un citoyen suisse du nom de Carris. Parmi les spectacles, un magicien, peut-être un funambule ou un comédien, peut-être un cul-de-jatte du nom de Bobin’o (le farfelu) se distingue de la troupe de saltimbanques qui fait ses numéros tous les soirs.
Succès, le théâtre ne désemplit pas, On adore les numéros de prestidigitateurs, de clowns et d’autres amuseurs.

Le public n'a rien à voir à celui que l'on connaît surtout au poulailler repère joyeux du petit peuple. On cause tout haut, on s’interpelle, et les étudiants se pâment de rire sans retenue aux double sens du texte des artistes.

 

 


Là haut tout le monde est gai, Les femmes osent des toilettes voyantes, le chignon est un peu ou beaucoup de travers. Les bérets rouges, noirs, bleus ou blancs ornés de glands retombants sur les épaules sont les couvre-chefs des hommes.
L’Odéon est jaloux du succès de son concurrent et le fait fermer, manque de bol le feu détruit l’Odéon !
Changement de proprio au Bobin'o, Carris vend à Alexis Colleville qui va faire des travaux importants en 1846.

Un théâtre à l’italienne voit le jour avec une belle façade à fronton, une salle de 688 places pour un public qui va se régaler de pantomines, de danseurs de cordes et de funambules. Le public pourra même aller se désaltérer et causer avec leurs artistes favoris dans les deux cafés tout proches, le café de Bobino et le café de Fleurus. Le premier a disparu, le deuxième est toujours là j'y fais parfois une pause avant de prendre mes quartiers au Lucco tout proche.
A cette époque le Jardin du Luxembourg et ses abords ont un tout autre aspect. Des maisons avec jardins le longent avec accès direct sur le parc. Un projet d’urbanisation avec la création ou la prolongation de rues va voir le jour en 1867. On supprime les jardins, les cafés et le théâtre pour construire des immeubles aux façades alignées et rectilignes. Sorti de scène pour Bobin'o ! Le téâtre est est détruit en janvier 1868 et il disparaît ainsi de l’annuaire des spectacles parisiens.

 

Deuxième souffle…

 Pas très loin, dans le 14e, rue de la Gaité  on aime danser et la rue  à l’époque c’est une profusion de caf-conc' et de bals en tout genres.

Réapparition et deuxième vie en 1873 de Bobin'o à l’angle de la rue de la Gaîté et de la rue Vandamme sur les cendres du Bal des Mille Colonnes qui fut dans des vies antérieures le bal des Gigolettes, le Bal des Escargots reconstruit en 1833 pour quelques années, ensuite le Bal Chicard, le Bal des Gigoteurs pour finir en Bal des Mille Colonnes. Ouf, la liste est finie !

 

 

 

 C’est Fernand Strauss qui inaugure le 24 novembre 1873 les Folies Bobino. Ce soir-là, c’est pas la fête ! Indifférence totale, pas de vedette sur la scène, des numéros de magiciens, contorsionnistes et surtout des pétomanes qui font hurler de rire le public clairsemé dans une modeste salle de 200 places au fond de la cour, pas de quoi briller ni faire fortune. Les directeurs se succèdent plus vite que le vent. Le public boude, trop d’attractions, trop de diversité, le public change et veut autre chose.

 

 

Les temps modernes…

Les Folies Bobino ont vécu, vive Bobino en 1901, le 17 janvier exactement. Le nouveau proprio c’est la société des cinémas Pathé qui fait dans la nouveauté en créant chaque saison une revue. Le public aime et en redemande.

Changement d’orientation en 1912. Montpreux un impressario, dirige la salle et va donner un second souffle en ajoutant la chanson au programme.

 

 

  

 

La salle se fait un lifting en 1918 et surtout on lui met un toit vraiment étanche car souvent la pluie faisait partie du décor ! Toujours pour les cinémas Pathé, les directeurs défilent.
1927, Bobino se refait une santé avec des tentures rouges, des miroirs aux cadres dorés, un grand rideau de scène, bref, une vraie salle de spectacles ! Petit à petit, Bobino devient la principale salle vouée à la chanson sur la rive gauche.


A partir de 1934 c’est la famille Castille qui dirige Bobino. D’abord le père Alcide et ensuite le fils Teddy. La famille est aussi propriétaire du cinéma L’Européen.

 

 


On y verra Damia, Lucienne Boyer, Mayol et Fernandel y fera ses débuts. Durant la Seconde Guerre mondiale le spectacle continue et Bobino n’est pas recommandé aux Allemands. Des éléments actifs du personnel figurent parmi les résistants.


 

 

 

Grand tournant en 1958, le proprio Félix Vitry s’associe à Bruno Coquatrix pour faire de Bobino un base de lancement pour des débutants, le début de la Star’académie ! L’Olympia reste aux vedettes. Les années suivantes seront l’Age d’or de Bobino.

 


Mais en 1960, Pierre Guérin, directeur entre autre du cabaret La Tête de l’art, prend la direction pour deux années avec des grands noms, pas que des débutants, ce sera Piaf, Brassens, Gréco au mieux de leur forme et de leur répertoire. Barbara y fera ses débuts, en 1961, la critique ne sera pas tendre envers la grande dame noire !
Les humoristes comme Devos et Fernand Raynaud y font leur apparition.

De nouveau Vitry, mais qui va se la jouer tout seul comme un grand à partir de 1964 et cela jusqu’à sa mort en 1971. Son fils Gilles lui succède pendant une année.

 

 


On relook à tout va pour en faire une salle de théâtre et de spectacles très à la mode avec ses 1100 places et dont les planches vont vibrer avec les grands de la chanson française, Piaf, Brassens, Ferré, Gréco, Ferrat, Nougaro, Moustaki, Reggiani et j’en passe.


En 1968, Bobino participe à sa manière aux événements que l’on connait. Pour quelques temps il change de nom et sa guirlande extérieure annonce” Théâtre du rire et de la chanson”. Il sert d’asile façon de parler aux artistes contestataires et dieu sait s’il étaient nombreux !

 

 


En 69, Ferré y interprète “C’est extra”, j’étais dans la salle, je tanguais mais je ne mourrais pas, c’était magique !
http://www.wat.tv/video/ferre-est-extra-ynba_2fgqp_.html

Le fils partit, c’est l’ancien secrétaire du père qui prend la relève. Jean-Dlaude Dauzonne va jusqu’en 1983 maintenir la gloire de Bobino.
En 1975, Joséphine Baker revient pour  fêter sa longue carrière, pensez, 50 ans, mais hélas elle n’ira pas au bout du contrat et pour cause, 15 jours après c’est avec saint-Pierre qu’elle refait son show. 

 

 

Deux ans plus tard, c’est la môme Zizi qui danse durant un mois sur une chorégraphie de sa moitié de Roland et costumes d’Yves Saint Laurent. Des musiques ensorcelantes pour la belle, Ellington, Gainsbarre, Nougaro, rien que du beau linge.

Coluche y chante lors d’un spectacle “Le Temps des cerises sur” un tout petit violon avec les mains dans des gants de boxe !

 

   

 

Le Georges avec son inséparable guitare y a pris ses quartiers, c’est vrai qu’il habite pas très loin. Thierry le Luron et Bedos y lancent leurs histoires grinçantes, Renaud “laisse béton”.
Perret avec ou sans son “Zizi” arrose lui aussi ses 25 ans de chansons en tout genres.
Au fils des ans, la programmation devient défectueuse, plus beaucoup de tête d’affiche comme par le passé. Seuls, Le Luron, Renaud, Coluche et Bedos redonnent un certain temps un certain lustre.

 

Fin d'un mythe.

 Catastrophe en 1983, mauvaise gestion, Bobino ferme suivi de sa destruction en 1985. On le reconstruit en 1987 en boite de nuit. De nouveau fermeture pour quelques années.

En 1991 réapparition sous un nouveau nom “Studio Bobino” nouvelle salle de concerts mais aussi de théâtre. La notoriété s’est enfuie ailleurs, la société s’est transformé vitesse grand V, les nouveaux talents le public préfère les découvrir assis devant le petit écran !

 

 

 

 

Philippe Bouvard fut un des derniers proprio et y a produit de nombreux spectacles et émissions télévisées dont les fameuses “Grosses têtes”.
Gérard Louvin en 2006 rachète Bobino pour le transformer en cabaret-restaurant-louge club comme on dit. Un nouveau genre est né, pouvoir dîner tout en regardant un spectacle de soit disant qualité, paillettes à gogo garanties.
Durant l’été 2010, de nouveau fermeture. Bobino n’arrête pas de se refaire une beauté. Le nouveau directeur, Jean-Marc Dumontet va aussi lui donner un nouveau départ et renoue avec son histoire oubliée.
La programmation actuelle mêle allègrement les humoristes aux concerts sans oublier les spectacles musicaux !
La magie du lieu s’est fait la malle depuis de nombreuses années, toujours cette foutue nostalgie qui nous court après !
Allez Bobin’o fais nous ton dernier tour de magie !
“Le roi est mort”, hélas, pas de “vive le roi” ! 



22/01/2013
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