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PARIS 9e -Théâtre Édouard VII

 

 Le « Je t’aime » de Sacha résonne encore dans la salle ! J’adore les deux, et Guitry et Édouard VII, non pas le roi mais le théâtre situé à un jet de pierre de l’Olympia, on fait son show là où l’on peut !

 

 

 

 

 

Encore toute une histoire ce théâtre, mais ils en ont tous une ! J’adore les histoires de théâtre et j’adore tout court le théâtre.
Au début du 20e, mon dieu que c’est loin, le quartier est en pleine ébullition, on rase, on creuse, on construit, les promoteurs se régalent et plus spécialement un qui a acheté le coin, Arthur Millon et a le souhait de transformer l'endroit en une rue très tendance!
Au milieu de cet océan de pierres, on créé un square à l’emplacement d’une compagnie de fiacres, ancêtre de nos taxis, et on le baptise du nom du « plus parisien des rois anglais », Édouard VII.

 

 

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Charles Urban, un américain à Paris ayant passé par Londres, découvre l'endroit, achète le square et y fait construire une salle de spectacles par un architecte anglais William Sprague avec une sacrée idée en tête. Urban est un fêlé du cinémathographe et il en connait un rayon, il est producteur, réalisateur mais aussi directeur et monteur et il à inventé avec un pote un système qui donne au film l'impression qu'il est en couleurs, le Kinémacolor. Tout se passe d'abord dans l'obturateur de la caméra contenant deux filtres, l'un rouge tirant sur l'orange et un deuxième plutôt bleu-vert puis dans celui du projecteur avec les deux mêmes filtres et en faisant passer de la vitesse de 20 images à 32 images par seconde on avait une impression de couleurs !!Charles fait un tabac, on se bouscule aux projections de Le sacre d'Edouard VII, La grande chasse au cerf ou La pêche au thon en Tunisie et bien d'autres dont il est le réalisateur parfois avec Méliès. Le succès est de courte durée et Charles en 1914 revend la salle à Alphonse Franck ancien directeur du théâtre des Capucines et du théâtre du Gymnase.

 

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La grande vedette de l’époque c’est bien sûr le beau Sacha (Guitry) autant homme de théâtre qu’acteur, il écrit à toute berzingue, il multiplie les histoires d’amour à la même vitesse ! 

Le beau Sacha a vraiment de l’abattage, c’est un acteur à recettes et le père Franck a du nez, le public adore Sacha ! 

 

 

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Le père et le fils.

 

 

En 1920 Guitry fils fait sa déclaration d’amour à sa belle (Yvonne Printemps) dans Je t’aime. Succès foudroyant, le public adore et en redemande !
Et durant 10 ans Sacha fait un tabac avec ses pièces en assurant le succès d’Édouard. En vrac ce sera L’amour masqué, Mozart, Une étoile nouvelle, Désiré, et Mariette qui est un vrai bijou.

 

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Le père du fils y interpéta son dernier rôle dans L'école des femmes, il sera un Arnolphe magistral et très inattendu pour l'époque ! La grande Sarah qui fut le témoin du beau Sacha à son mariage devait y créer Un sujet de roman mais elle manque son entrée en tombant malade, malgré cela l'affiche est toujours dans le foyer du théâtre !

 

 

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Les années se suivent et le théâtre vît de beaux soirs. 

Les directions s’enchaînent avec bonheur, car un théâtre c’est surtout une direction mais c’est surtout un propriétaire.
Louis Verneuil succède en 1929 à Alphonse, bref passage puisque l’année suivante voit Maucie Lehmann. C’est Victor Francen qui en 1931 prend la direction. Cette même année Alphonse fait son come back mais pour peu de temps.
En 1948, malgré des menaces, la guerre a laissé des traces, accusé à tort de collaboration avec l'occupant, le beau Sacha revient sur les planches avec Le diable boiteux, un succès foudroyant, des rappels à n'en plus finir, Sacha est le plus grand et du quand dira-t-on il s'en moque éperdument, il a toujours une réplique cinglante dans sa poche!

 

 

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Changement de direction dans le choix de la programmation, on va aussi s'intéresser au théâtre anglo-saxon et américain et c'est Noël Coward en personne et en français qui va interpréter un de ses grands succès Joyeux chagrins avec son élégance habituelle toute british.

Puis ce sera au tour de Raymond Rouleau le temps d'une saison de rejouer son grand succès qui fit un tabac à l'Œuvre Virage dangereux de John Boynton Priestley avec Gaby Sylvia, Mylène Demongeot et lui-même.  Il enchaîne Un tramway nommé Désir avec la sublime Arletty sans atmospère.

 

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En 1950, Le grand Orson Welles viendra à guichet fermé une première fois pendant deux mois jouer avec l'accent l'adaptation de sa pièce The Unthinking Lobster (Miracle à Hollywood) une fable satirique avec en première partie un court-métrage The Miracle of St. Anne et embauche la belle Eartha Kitt, chanteuse jazzy mais aussi actrice qui sera plus tard Hélène de Troie dans Docteur Fostus avec évidemment Orson comme partenaire et toujours chez Edouard quelques temps plus tard.

 

 

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Welles avec Duke Ellington et Eartha Kitt dans Docteur Faustus.

 

Une drôle d'adaptation avec une court-métrage en première partie et Ellington pour la musique, l'ensemble s'intitule The Blessed and the Damned. La critique parisienne fait les éloges et s'enthousiasme pour les prouesses techniques qui hélàs coûtent chers. La direction s'inquiéte question budget et Wells coléreux, remplaçe le tout par du Musset et du Shakespeare, Eartha clôture la soirée avec un récital de chanson puis le spectacle partit en tournée européenne. Fin du séjour parisien de  Wells.

 

 
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Orson avec la belle Earth le soir de la première.

 

 

Retour au théâtre de "boulevard". Claude Génia succède à Raymond. Grâce à elle on découvre toute une nouvelle génération d’acteurs, Sami Frey, Jacques Perrin, Jean-Louis Trintignant, Marthe Mercadier, Roger Dumas et j’en passe !

Ce sera L’enfant du dimanche de Pierre Brasseur, L’année du bac, Huit femmes qui fera plus tard un film pour Ozon, Bonheur, impaire et passe de Sagan, Le journal d’un fou de Gogol, Chat en poche de Feydau et j’en oublie…
C'est au tour de Wilfrid Dodd en 1966 et durant trois ans de tenir la barre à son tour mais avec quelques intermédes de Rouleau.

 

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Le grand succès de ce passage sera incontestablement La mamma d’André Roussin avec l’extraordinaire Elvire Popesco qui à 84 ans reprenait le rôle créé en 1957 pour elle ! Un soir, j’étais dans la salle pour voir la grande dame ! Quel spectacle que cette actrice avec sa canne et sa voix unique et sublime !

 

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André Roussin et Elvire Popesco pour La mamma.

 

 

Robert Thomas rachète à Dodd l’Édouard en 1970. Ce sera pour cinq ans un répertoire composé de classiques, de ses propres pièces et aussi le retour du théâtre américain.
Les spectateurs pourront applaudir à tout casser Le marchand de Venise du grand William, Double jeu du proprio et Le train de l’aube de Tenessee Williams.
Le théâtre de boulevard vit et donne le meilleur de lui-même à cette époque bénie.
De 1974 à 1976 Édouard sert de décor pour les retransmissions du Théâtre ce soir, gros succès avec un melting pot d’Achard à Hutton.

 

En 1976 gros titre, le couple Valère-Desailly pour deux saisons va se dépenser sans compter pour un théâtre qu’il aime, ce sera Giraudoux avec Amphitryon 38 à Ibsen et son Ennemi du peuple.

Coup de théâtre en 1978, Pierre Bergé nouveau patron, le temps de trois saisons enrichit le répertoire avec des auteurs français comme Banier et Duras.

 

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Il débauche Robert Hirsch de la Comédie française pour reprendre le rôle de Debureau dans la pièce éponyme de Guitry. Succès foudroyant, critique et public sont unanimes pour une fois, c’est du grand art !

Durant deux saisons Hirsch jouera la pièce plus que Guitry lui-même, c’est peu dire, Sacha devait piquer sa crise là-haut ! 

 


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Jacqueline Cormier succède à Pierre Bergé en 1981. L’année suivante, La grande Edwige Feuillère effectue une rentrée spectaculaire dans La dernière nuit de l’été.

C’est grâce à Jacqueline Cormier que l’on doit la révélation de Jean Poiret comme successeur de Guitry. Joyeuses Pâques avec Maria Pacôme fait recette durant plusieurs mois, un régal de texte et de jeux d’acteurs ! Là aussi un soir j'étais dans la salle.

 

 

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1983 fut l’année faste pour Strindberg qui connut son plus grand succès populaire à Paris avec Mademoiselle Julie, mais la pauvre Isabelle Adjani se fit dévorer toute crue par l’ogre Niels Arestrup, j’étais dans la salle le soir de la première et un autre soir, les sifflets fusèrent de toutes parts, mais pour le spectateur siffler n’est-il pas un droit qu’il achète avec son billet ! 

 

 


La belle Fanny Ardant lui succéda brillamment et n’eut point peur de l’ogre.
J’ai aussi le souvenir d’un moment de grâce, Jean-Claude Brialy et Marie-Josée Nat à l’occasion du centenaire de Guitry formant le couple inoubliable de Désiré.

 

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L’adaptation des Liaisons dangereuses fut une entreprise plus que dangereuse ! Mais le résultat en valait le coup, Bernard Giraudeau et Caroline Cellier excellents tous les deux dans des rôles sulfureux !

  

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Changement de programme, en 1989 c’est Julien Vartet qui prend la direction et va mettre au programme pas mal de vaudevilles dont il est l’auteur, les vaudevilles c’est vraiment pas ma tasse de thé, mais parmi toutes ces comédies, Marcel Aymé et Jules Renard sont sortis des oubliettes avec deux beaux succès, Maxibules de Marcel et surtout le triomphale succès de Le plaisir de rompre de Jules avec deux acteurs talentueux, le couple Duperey-Giraudeau.

Julien Vartet veut modernisé le lieu qui est loin d’être un bouclard. D’important travaux sont entrepris entre autre la climatisation, ouf, ces dames pourront ranger leurs éventails. Le théâtre se fait une beauté durant un an.

 

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A la réouverture en 2001, Bernard Murat et Jean-Louis Livi sont à la direction et vont faire jouer de nouveau le répertoire de Guitry. Murat excellent metteur en scène va s’en donner à cœur-joie sans faire chichois.
Toujours les américains à l’honneur avec Deux sur la balançoire de Gibson, Lune de miel de Coward restera à l’affiche pour plus de 250 représentation avec encore un couple vedette, Pierre Arditi et Evelyne Bouix.

Éric-Emmanuel Schmitt y fait ses débuts comme auteur de pièces à succès et aussi comme adaptateur.
Durant toute la décennie ce sera une succession de succès avec de très bonnes pièces et des acteurs qui ont du chien.

 

 

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En 2007, année Guitry oblige, les Brasseur père et fils réunis pour la première fois comme les Guitry en leur temps dans Mon père avait raison. Un grand moment, et là encore j'y étais !
Ensuite, quatre pièces inédites de Sacha, dont Un type dans le genre de Napoléon, interprété par un Martin Lamotte plus vrai que nature.
2007 sera aussi l’année ou Murat sera seul aux commandes du théâtre et mettant en scène encore du bonheur.
Faisons un rêve de Sacha et Tailleur pour dames de Feydeau en 2008, L’éloignement de Loleh Bellon en 2009, en 2010 Le prénom de de Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière, qui sera plus tard un film.

 

 

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Rentrée 2011 avec Le paradis sur terre de Tenessee Williams avec en tête d’affiche notre Johnny national, complètement bluffant notre rockeur !  
Et l'on enchaîne, les années se suivent mais ne se ressemblent pas, les meilleurs sont partis et hélas n'ont pas été remplaçés !!

 

 

“Et le décor de la salle ?”. Ah oui j’oubliais ! Un style sans style comme on aimait au début du 20e. Beaucoup de rouge, des colonnes corinthiennes pour le petit clin d’œil au théâtre grec, des canapés chesterfiels pour rappeler Édouard, du doré à profusion mais que serait un théâtre sans cela, on y va pour rêver ! Dans l’ensemble on va dire “confortable" suivant ou l’on se trouve car se tordre le cou cela arrive fréquemment !

 

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Édouard VII fait aussi son cinéma le temps d’une soirée privée, juste retour à ses origines. On peut y organiser des avant-premières, des projections en utilisant des équipements derniers cris.
Ah j’oubliais, le café Guitry, juste hommage à un homme gourmet.
Une halte gourmande au milieu des “chéri chéri” !
Dommage, comme tous les théâtres, les prix devraient être plus raisonnables ! Mais le théâtre doit rester un plaisir exceptionnel !
Vive le théâtre et que le théâtre vive !



03/03/2016
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