ICI, LÀ ET AILLEURS

LE FINISTÈRE ENTRE BAIE DE MORLAIX
ET MONTS D'ARRÉE,
LA RIVIÈRE ÉLORN COMME UN PETIT POUCET VOUS GUIDE AU PLUS PROFOND DU PAYS DES ENCLOS PAROISSIAUX.

Un soir de juin en Bretagne, le téléphone sonne, c’est Momo:
— J’ai réussi à bloquer 4 jours entre New-York et Marrakech, je te laisse 48 heures pour nous concocter un circuit dans tes fameux enclos paroissiaux dont tu me rabats les oreilles depuis que tu as émigré dans ce pays de légendes ! Qu’en penses-tu ?
— et ben Momo tu me laisses guère de choix, mais puisque tu daignes me rendre visite dans ma province je t’accorde avec plaisir 4 jours de mon temps très précieux entre Conleau et Kerghénnec !

C’est dans le Finistère, terre de légendes, de clochers comme ciselés, de croix de granit, sentinelles solitaires aux carrefours des chemins qui courent dans la lande odorante que je vais emmener ma vieille copine Momo.

Spécialité unique au monde, nulle part ailleurs vous en trouverez, l'enclos est une des richesses de cette terre inoubliable, envoûtante et mystique.
Mais qu’est-ce qu’un enclos paroissial me demanderez-vous ? Momo elle sait, je lui ai déjà fait la leçon.

Un enclos est un ensemble architectural construit aux 15e et 16e siècles, paraît-il un concours entre les paroisses à celle qui aura le plus bel enclos.
C’est un mélange harmonieux de roman, de renaissance et de baroque. Pour cela les marchands et les notables font appels aux artistes locaux.

Par leur savoir-faire et leur imagination prodigieuse les artistes et artisans vont rivaliser afin de donner à chaque enclos une dimension démesurée et ainsi démontrer la ferveur d’un peuple et la richesse d’une région.
L’enclos c’est une église, un calvaire, un ossuaire, un cimetière et une porte triomphale le tout entouré d’un muret de pierres qui délimite et protège ainsi le lieu sacré.

Devant l’ensemble, c’est le portail monumental qui est le premier contact. Autrefois, il était fermé par une grille qui n’était ouverte que pour les grandes occasions, les cortèges mais surtout les enterrements, d’ailleurs en breton on dit “Pors a maro” "La porte de la mort".
Pour pénétrer à l’intérieur on passait par des portes latérales dont le passage était barré par un muret pour empêcher le bétail de pénétrer mais aussi pour rappeler aux mortels que nous sommes que d’approcher le divin ne se fait pas sans difficultés !

Au fil des ans, ces réduits ne seront plus accolés à l’église, ce seront des bâtiments isolés, élégamment décorés d’une belle porte à archivolte et de jolies petites baies de chaque côté.
L’ossuaire ne devient plus un charnier mais un lieu de prières. C’est de plus en plus une très belle démonstration architecturale mélangeant le Baroque à la Renaissance.

Après avoir pénétré dans l’enclos par le portail, visité l’ossuaire, c’est l’église et son grand porche qui nous attends. Le grand porche par le passé était d’abriter les réunions de conseils de paroisse. Un banc de pierres court le long des deux murs latéraux afin de permettre les échanges et les délibérations tout en préservant ses gambettes ! deux portes donnent accès à l’intérieur, une pour les femmes, l’autre pour les hommes !

Au-dessus des bancs, douze niches pour abriter les apôtres, une magnifique démonstration statuaire ou chacun est identifiable par un objet, on s’amuse à chercher, passionnant ! A quoi reconnais-t-on saint-Simon ?
Autre élément important, le clocher. Chaque village a son clocher qui ne ressemble pas au voisin, il y a les clochers “Kreisker”, les clochers "Léonard", les clochers à “Dome”, les clochers “baroques”, les clochers “murs”, les clochers "Lanternon"…
Les gargouilles ne sont pas en reste dans la décoration et ne sont pas qu’utilitaires.

Ce sont des motifs décoratifs qui dans le silence de la pierre vous observe éternellement marquants de leurs silhouettes les lignes verticales et les points saillants de l’architecture.

L’intérieur est somptueux dans un délire baroque avec des retables, des jubés croulant sous des envolées de pampres. 

La voûte n’est pas de pierres mais de bois, façonnée par le savoir-faire des charpentiers de la marine.
N’oublions pas que la Bretagne est surtout maritime et donc habituée très tôt aux échanges commerciaux qui lui ont appris les courants artistiques européens que l’on retrouve ici et là dans les enclos.

Dans toutes les églises, la chaire à prêcher est traitée avec beaucoup de soins. C’est une partie du mobilier intérieur qui va donner au sermon une dimension particulière grâce à son décor souvent délirant.
En levant la tête, une poutre traversant la nef et richement décorée nous interpelle, c’est la poutre de Gloire nous rappelant le fameux Vendredi saint avec son Christ agonisant entouré des siens.

Le jubé a aussi son importance, on ne le trouve pas partout car souvent il a été détruit. Lui aussi à un rôle bien définit séparant le chœur réservé aux clercs de la nef. C’est une clôture en bois richement décorée et polychromée.

Les retables font aussi parties intégrantes de l’ensemble. Ce sont des panneaux de bois placés derrière un autel, c’est un ensemble sculpté fait de personnages, d’animaux. Ils racontent en image une histoire pour les fidèles qui à l’époque étaient pour la plupart illettrés.

Après avoir admiré les vitraux on sort pour aller voir un des éléments les plus importants de l’enclos, le calvaire.

On est devant un véritable livre d’enseignement religieux, c’est la bible du pauvre relatant des épisodes de la vie de Jésus et de son entourage.

Ce sont des dizaines de personnages sculptés dans la pierre qui vont donner en quelque sorte un enseignement pédagogique mais aussi mystique au croyant.

Voilà vous savez tout et vous serez maintenant incollable sur l’histoire des enclos !

Pour partir à la découverte, on peut suivant son humeur suivre l’un ou plusieurs des trois circuits.
Ne pas trop en faire dans la journée car on est vite à saturation, la nuit les rêves peuvent tourner vite fait aux cauchemars peuplés de drôles d’animaux, de saints qui n’ont vie que dans le coin et de diables en cinémascope qui veulent à tout prix vous emmener là où il fait bien chaud !

A titre indicatif je vous donne le parcours des trois.
Le circuit de Morlaix, huit étapes pour un parcours de 70 km. Plourin-les-Morlaix, Plougonven, Plounéour Ménez, Saint-Thégonnec, Thégonnec, Pleyber-christ et Morlaix qui fut un port très actif, ici, les toiles de lin partaient aux quatre coin de l’Europe.
Le circuit de Landerneau, le plus court, 55 km au cœur du pays de Kersanton et le plus proche de Brest. C’est le pays des maîtres-sculpteurs qui savaient si bien travailler la kersatite qui arrivait par bateau à Landerneau.
Dirinon, Tréflenez, La Martyre, la Roche-Maurice et Trémaoué un enchantement pour les yeux !
Le circuit de Landivisiau, 90 km, dans le pays des tanneries et des fabricants de toiles de lin. C’est un émerveillement constant à travers les dix étapes que sont Lampaul, Guimilliau, Commana, Sizun, Locmétar, Loc Éguiner, Saint-Servais, Bodilis Saint-Vougay, Berven Plouzévédé.

Pour Momo, j’ai concocté un melting pot du meilleur des trois qui nous emmènera de Morlaix à Brest.
Pour elle nous serons dans la jungle loin des métropoles dont elle raffole, histoire de prendre un bain dans la France profonde au patrimoine superbe et insolite !

 
Pour nous ce sera dans l’ordre et le désordre au départ de Morlaix ou nous serons arrivées la veille pour visiter la ville, Saint Thégonnec, Plouneour Menez, Commana, Sizun, Lampaul-Guimiliau, soirée à Landernau, j’ai réservé une chambre d’hôtes, pour Momo ce sera une première, pensez elle ne sait dormir que dans des palaces !

Le lendemain La Martyre, La Roche-Maurice, Landernau puis Daoulas, Momo va raffoler du bistrot dans le village et du jardin de plantes médicinales à l’abbaye.

Fin de la balade à Brest avec une chambre d’hôtes dans la campagne avec cochons, vaches et poulets. Momo attention à tes Louboutins elle qui n'a pas dû voir une de ces bestioles depuis son enfance et encore !!!!
Momo malgré ses airs de Marie-Chantal est une grande érudite, je suis sûr qu’elle va me dégotter une info que j’aurai zappé, elle a le chic pour çà !
Le circuit est fait, les chambres sont réservées, j’attends Momo de pied ferme, quelle surprise va-t-elle encore me réserver ? Peut-être déguisée en bretonne ?