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PARIS 6e - La Rotonde - Montparnasse

1910, un nouveau siècle. Victor Libion, auvergnat pur jus rachète un bistrot à l’angle des boulevards Raspail et Montparnasse.

Le fameux carrefour Vavin vient de sortir de terre et va traverser allègrement le temps. 

  

La Rotonde a aussi deux atouts par rapport à la concurrence alentour : une machine à sous et une terrasse ensoleillée.

Montmartre n’est plus à la mode et les artistes qui faisaient les beaux jours de la Butte, Picasso, Braque et les autres la désertent au profit de Montparnasse et s’installent autour du carrefour Vavin. En homme avisé le Victor a senti le vent tourner.

 

 

Le carrefour a beaucoup de charme, d'abord la profusion de bistrots, les ateliers pour pas cher sur l'arrière à l'ombre de jardinets mais question confort faudra attendre !

Le quartier est peuplé de drôles de mecs et de nanas composant une colonie venue de tous les coins d'Europe mais surtout de l'Est qui prends d'assaut le quartier. On y voit Soutine le russe échanger des cours de français contre un café, Zadkine russe aussi à la recherche de modèles, Brancusi le roumain vient retrouver ses potes, Appollinaire le polonais s'amuse comme un fou, Modigliani l'italien, Picasso l'espagnol en voisin y négocie ses toiles. Beaucoup font des portraits sur le coin d'une table avec le bout d'une allumette pour le client en recherche de bohème.

 

 

 (1) Amedeo, Pablo et Salmon.  (2) Kisling Pâquerette et Picasso.

    

Pour beaucoup de ces artistes connus et moins connus,la Rotonde est leur maison car Libion est généreux avec eux et leur offre facilement une assiette de soupe ou une cigarette et puis par les temps qui courent nous sommes en 1914-18, le poêle à charbon est bien agréable et fait défaut dans beaucoup d’ateliers. 

Ici on refait le monde dans des vapeurs vertes et bleutées, on paie avec une toile ou un crobar, du coup les murs sont rapidement couverts de chef-d'œuvre en devenir ! ce qui fera dire à Libion tout heureux de les accrocher au mur "Ils finiront par rendre mon café célèbre".

 

 

  

Guillaume Appollinaire, Jean Cocteau,  Erik Satie

 

C’est là aussi qu’un jeune homme élégant et inconnu du nom de Jean Cocteau distribue ses poèmes sous les sarcasmes de ses copains, mais rien ne l'arrête, il sait qu'un jour… Ils sont libres, passionnés, courageux et fous.  
Et puis les russes débarquent avec leurs ballets, Diaghilev et Nijinsky en un drôle de Faune un certain après-midi.
Côté politique on n’est pas en manque avec un Trotsky qui organise des réunions houleuses finissant dans le désordre avec l’arrivée de la police.

 

 Nijinsky dans l'Après-midi d'un faune.

D’ailleurs un soir un jeune japonais du nom de Foujita bizarrement habillé se fera embarquer par erreur. Il deviendra célèbre plus tard en peignant des femmes mais en attendant il est obligé d’emprunter quelques francs à un garçon de la Rotonde pour publier ses bancs de mariage.

 

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Foujita par Kiki - Atelier de Foujita rue Delambre


 

 

N’oublions pas les musiciens, ils sont nombreux chez Libion à attendre la gloire qui a du mal à venir, là, se trouvent des inconnus du nom de Debussy, Prokofiev, Stravinsky et Erik Satie.

 

 

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Kiki chantant sa chanson fétiche "Les filles de Camaret"
 

Dans ce brouhaha varié et cosmopolite, soudain surgit une jeune fille brune aux cheveux cours avec une gouaille et une insolence uniques du nom d'Alice Prin.

Elle chante dans les cabarets alentours, sert de modèle aux peintres et au photographe Man Ray, mais aussi de temps en temps prends le pinceau, elle est la reine, c’est Kiki de Montparnasse.
Elle mourra dans la misère et oubliée de tous dans les années 50.

Dommage, en 1918 Libion revend sa brasserie suite à des accusations calommnieuses et part pas très loin bd d'Orléans pour un autre bistrot, bien sûr ! Là on perds sa trace !

Après la vague des peintres, des musiciens, voici celle des écrivains qui va prendre la relève chez Libion. On verra les surréalistes autour d’André Breton, Prévert, Queneau, Radiguet, Mac Orlan, Henri Miller et un nouveau venu qui arrive de sa Belgique natale un certain Georges Simenon.

 

 

 

 

 

En 1958 le nouveau proprio relooke le lieu faisant fuir tous les fantômes vers d'autres ailleurs rejoindre le père Libion.

La clientèle a évolué mais le lieu est toujours chargé de souvenirs. 
Un endroit qui se la joue chic et rouge comme la viande de Salers dans les assiettes pour les viandeux et poissons classiques pour les autres.

J'aime bien déjeuner à l'étage avec la vue sur le carrefour en rêvant à Modi et à son pote Chaïm.

 

105, boulevard du Montparnasse, 75006 Paris - Carrefour Vavin

 


01/12/2014
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