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VENISE — Musée Ca' d'Oro

J'ai fait un rêve éveillé, un énorme gâteau tout blanc posé sur le miroir du grand canal pour une grosse faim culturelle et artistique.

  

 

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Un rêve de dentelle, un chef-d’œuvre unique à l’élégance svelte, un palais digne d’un conte des mille et une nuits, nous offre une collection sublime de ce que l’art pouvait être à Venise aux 15e et 16e siècles. 

Dans la dot de Marino Contarini, riche patricien et marchand, figure un palais bordant le Grand canal, nous sommes environ vers 1430, appartenant à une autre famille par alliance, les Zeno. Contarini, a des ambitions, un ego plus que surdimensionné et veut construire SON palais à l'image de celui des Doges. Pour ce faire, il fait d'abord raser la Ca'Zeno mais garde évidemment les fondations.

 

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Effectivement, ce fut grandiose, il fit appel à un trio gagnant, deux architectes et un sculpteur qui avaient auparavant participé à la naissance du palais des Doges, Marco D’Amadio, Matteo Di Raverti et son fils Bartolomeo Bon. On retrouve ainsi beaucoup de similitudes entre les deux palais et pour cause ! Enfin en 1434, Contini peut enfin vivre son rêve et sa mégalo prendre forme. Il ira jusqu'à faire recouvrir la façade de l'édifice de plus  de 20 000 feuilles d’or (d’où son nom) et de lapis-lazuli afin que l'édifice soit inscrit dans le Livre d'or. On peut imaginer quelle féérie cela devait être au soleil couchant ! Enfin, Il peut l’inscrire dans le Livre d’or de la Sérénissime.

 

ca d'oro14.jpgEn fond un détail de Carlo Braccesco, en haut Carpaccio et en bas un détail d'une allégorie de G. Macchietti.

 

Une petite anecdocte : il manque l'aile gauche qui donne au palais son asymétrie et comme pratiquement toutes les constructions à Venise c'est par la façade sur le canal qu'on peut dire qu'il fut terminé ou presque. 

C'est le schéma type de la maison-entrepôt vénitienne et de par son style un témoignage entre le gothique flamboyant et la renaissance italienne. Le rez-de-chaussée qui rappelle terriblement les palais byzantins et pour cause, se trouve au ras de l'eau, l'accès aux entrepôts se fait par une galerie soutenue par cinq arcs dont le central en plein-cintre. C'est beau et délicat !

 

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Au-dessus, s'élèvent deux étages dont le premier est une immense pièce, le portégo traversant l'habitation sur toute sa longueur et donnant accès sur l'arrière à un minuscule jardin, protégé par une loggia aux graciles arcades de dentelle pour suivre le trafic sur le Grand canal. Au-dessus une autre loggia réservée au maître et à sa famille. Encore au-dessus de l'attique, les combles comme partout pour loger les domestiques ! Comme dans tous les palais, se trouve sur le toit, l'altana, une terrasse en bois servant à faire sécher le linge. Maintenant que les sèches-linge ont pris possession de nos demeures, la terrasse a changé de fonction, on y prend l'apéritif en suivant le trafic sur le Grand canal!

 

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Mario meurt un beau jour de 1454, le fiston prend possession des lieux, y vit sa vie de famille et de marchand, les héritiers plus tard déménageront vers d'autres ailleurs. Puis se succédent les Marcello et les Loredan grandes familles vénitiennes chacune ajoutant à ce palais fabuleux leurs petites touches personnelles. Puis, la Ca'd'oro perd de son lustre et manque de moyens des proprio devient au fil du temps plus qu'un peu délabré !
Puis arrive le 19e siècle, le palais plus qu'assoupi est acheté en tant que "ruines" en 1802 par un certain Pozzi un marchand parmi d'autres qui trouvant la "ruine" pas assez à son goût la revend quelque trente ans plus tard à un prince russe, Alexander Vasilevitch Troubetzkoy. 
 Ce dernier s'empresse de  l'offrir à  la célèbre danseuse Maria Taglioni non pas une de ses maîtressse mais sa belle-mère afin qu'elle se repose de ses entrechats nostalgiques, la pauvre ex-danseuse mais aussi comtesse, avait depuis quelques années raccroché ses fameux chaussons et son tutu sulfureux.

 

 

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La belle Maria avec la bourse du prince fait appel à un célèbre architecte pour remettre en état sa demeure ; mais hélas, Giovan Battista Meduna ne se sent pas du tout impliqué dans la rénovation subissant les lubies de la ballerine aux goûts plus que douteux. Des éléments essentiels comme le magnifique puit à la splendide vera (margelle) de marbre rouge de Venise  dans la cour, œuvre de Zane et Bartolomeo Bon en 1427, mais aussi l'escalier de Matteo dei Raverti sont enlevés et vendus à des antiquaires.

 

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Les revêtements en marbre de carrare de la plupart des sols disparâissent sans savoir où et ne parlons pas des meubles qui ne sont  pas sauvés ! La ballerine 20 ans plus tard trouvant le palais plus à son mauvais goût le revend au banquier Errera lequel quelques années plus tard immigre à Bruxelles. De nouveau le palais est à vendre mais en piteux état !    

Heureusement le comte Giorgio Franchetti en fait l’acquisition pour le transformer pour y exposer  ses collections d’arts. Il a le bon gout de lui redonner à peu près son aspect originel allant jusqu'à faire les antiquaires de la Sérénissime et d'ailleurs pour récupérer les meubles et objets vendus. Son acharnement paie quand il met la main sur  l'escalier gothique et le fameux puits dans la cour.

A sa mort en 1922, les collections sont données à la ville à charge pour elle d’acheter le palais et de l’entretenir. C'est ce que la Sérénissime s'empresse de faire, on la comprends !

 

 

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Le rez-de-chaussée est occupé par des expostions temporaires d’artistes contemporains, et dans les étages, c’est une succession de salles magnifiques aux caissons colorés, aux sols de marbre de carrare aux délicats dessins. Il y fait bon flâner, la foule est clairsemée, on peut tout à son loisir contempler les peintures de l’école italienne dont le célébre et sublime “Saint Sébastien” de Mantegna, sans oublier Canaletto, Le Titien, Carpaccio, Tintoretto et leurs spécialité vénitiennes la "vedute" mais aussi leurs voisins flamands Van Dyck et Jan Steene et j'en oublie.

 

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Des sculptures, des tapisseries à profusions et des bronzes viennent compléter cette collection unique et prestigieuse. Des céramiques et des poteries vénitiennes finissent la visite.
Surtout ne pas oublier la cour créée par le baron lui-même, le sol est de  mosaïque de marbres ou çà et là sont posés quelques virils bustes et de frèles madones de la collection du baron. L'escalier et le puit sont revenus continuer leur vie où ils l'avaient commencé !

 

ca d'oro13.jpgEn haut à droite,une œuvre que j'adore de Bartolo, à côté une belle de Paris Bordone,
en dessous détail d'une allégorie de Macchietti et
une autre belle de Tiziano Vechello. A l'étage supérieur le rayon céramique !
 


Merci Monsieur le baron pour le plaisir que vous nous procurez. Votre collection est un témoignage à jamais oublié de ce que l’homme en matière d’art a pu faire de mieux sur terre !

 

calle di Ca' d'Oro 3932, Cannareggio



16/09/2015
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