ICI, LÀ ET AILLEURS

Dans la lumière éblouissante d'un été survolté, la colonne des Girondins semble  s'élancer vers les cieux  dans un tourbillon de jets d'eau éclaboussant ses allégories d'une fraîcheur scintillante.

C'est l'un des trois monuments emblématiques de la ville avec la place de la Bourse et le Grand-Theâtre. Ici on l'appelle "La colonne des Girondins" à la gloire des 7 députés girondins tous nés dans le département et pas du tout copains avec l'incorruptible Maximilien. Ils finirent tristement décapités un vilain jour de 1794 sur l'actuelle place Gambetta.

C'est une histoire vraiment rocambolesque que celle de ce monument. On est en 1868 et le conseil municipal bordelais prends la décision de rendre hommage aux députés girondins mais aussi à la République par une fontaine qui serait élevée place Gambetta ou était installée la funeste guillotine et ou ces braves députés sont passé sous son funeste couperet.

 
La fontaine de Bartholdi sur la place des Terreaux à Lyon 

On tergiverse, on hésite, on consulte pour finalement d'abord changer d'emplacement et puis passer commande au célèbre Bartholdi pour l'installer sur les allées de Tourny tout proche du Grand-théâtre de Louis. Vingt ans plus tard le projet voit enfin le jour mais hélas le conseil municipal trouve trop chère l'œuvre de Bartholdi qui finira sur la place des Terreaux à Lyon, les soyeux l'emportent sur les armateurs !

Le mensonge et son masque

Qu'à cela ne tienne, on lance un nouvelle offre, deux projets sont retenus mais on ne se décide pas à choisir, pourquoi pas les deux ? On vote, on revote, les fonds sont bien là, finalement Dumilâtre, statuaire et Rich architecte sont choisi pour ce vaste projet qui sera implanté finalement place des Quinconces à l'emplacement de l'ancien château Trompette.

Il ne sera pas réalisé dans sa globalité, bien que dédié aux députés Girondins martyrs, les deux groupes de statues ne verront pas le jour mais leur emplacement à l'arrière des deux fontaines resteront vides à jamais. Seule, une plaque apposée il y a quelques années en donne l'explication.

Parlons maintenant du monument. C'est un vaste ensemble composé des deux fontaines avec à leur centre une colonne de 43 mètres de haut d'où La République triomphante, une superbe femme oiseau de 11 mètres de haut tournée vers la ville en un allégorique génie de la liberté brisant ses chaînes !

Le monument dans son ensemble est orienté selon quatre axes.

Côté  allées de Tourny, trois belles femmes symbolisants Bordeaux tenant un corne d'abondance, la Garonne et la Dordogne.

A l'opposé, côté fleuve, le coq gaulois est à l'honneur en bonne compagnie, deux plantureuses femmes pour l'Eloquence et l'Histoire, pourquoi ? Je n'ai pas la réponse.

A l'arrière si l'on peut dire, vers le Grand théâtre un magnifique char avec quatre chevaux marins figurant le Bonheur, dans les éclaboussures cristalline des jets,en compagnie de  l'Ignorance, du Mensonge et du Vice. Des espaces vides interpellent, ce sont les fameux emplacements ou devait figurer les célèbres députés mais fautes de sous dans la bourse, les statues n'ont jamais été érigées. 

En direction du Jardin public, le triomphe de la Concorde.

Un malheur en entraîne un autre. En 1942, le monument est vendu en pièces détachées et il disparait du paysage le 14 août 1943. Heureusement elles ont été entreposées à Angers et le 5 juillet 1945 les 34 sculptures font leur réapparition triomphale sur les Quinconces. Mais ce n'est qu'en 1982 que l'ensemble est enfin complet ! Les chevaux marins et les allégories ont retrouvés leurs places d'origine.

Le monument a beaucoup souffert en cent ans, des signes de vieillesse se faisaient durement ressentir et c'est par un lifting géant qu'il disparut momentanément pour renaître magistralement de ses cendres en 2005.

En Bref, une magnifique démonstration de l'art que l'on appelle "Pompier" !

PS. Les noms des députés Girondins dont les statues n'ont jamais figuré sur le monument qui leur était dédié !

 François Bergoeing, Jérôme Pétion de Villeneuve, François Buzot,  Elie Gadet, Armand Gensonné, Jean-Antoine Lafargue de Grangeneuve, Jean-Baptiste Boyer-Fonfrède.