ICI, LÀ ET AILLEURS

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CAMBODGE - Battambang la belle provinciale

Après Siem Reap la fiévreuse, l'agitée, Battambang la belle endormie, alanguie près de la rivière.
Nostalgie garantie de ses années de jeunesse au temps du colonialisme.

 

Quatre heures de bus, enfin me voilà à Battambang pour ma troisième escale. Après avoir récupéré ma valise, un tuk tuk m'attends pour m'emmener à mon hôtel. Et là stupéfaction je me retrouve dans un hall de gare sans les trains, meublé d'immenses meubles de bois et une réception ou de jeunes cambodgiens s'affairent avec le sourire comme ils savent si bien le faire. On me donne une clé et direction 3e étage pour ma chambre.

 

 

 

Un décor très kitsch et un peu vieillot malgré l'hôtel flambant neuf, la literie paraît très confortable et le tout est d'une extrême propreté, c'est déjà çà !. Il faut impérativement que je réserve une place de bus pour rejoindre Sihanoukville dans 3 jours et je sais que les réceptions d'hôtels se chargent de le faire.

A l'accueil, les jeunes asiatiques ne parlent pas un mot de français et question anglais c'est dur dur. Durant tout mon séjour, mon anglais balbutiant n'a eu aucun effet ! Impossible de leur faire comprendre que je veux un billet de bus pour me rendre à Sihanoukville. On me file un plan de la ville dans la main après avoir entouré ce qui semble être le bureau de la compagnie de bus. Dehors la chaleur est à son plus fort, elle vous étreint comme un jeune mec et vous donne des suées loin de la passion.


 

 

Le casque est obligatoire mais les passagers en sont dispensés.

 

Une rivière qui joue au ruisseau, un pont pour l'enjamber et là je me dis "Mais qu'est-ce que je fous-là ?". Trois minutes pour me ressaisir, regarder les enfants qui en contrebas dans l'eau boueuse s'amusent comme tous les enfants en me faisant de grands signes joyeux. Le pont franchit, je me retrouve dans le centre ville. Ici pas de hordes de tuk-tuk ni de motos, les voitures sont plutôt en petit nombre, quelques charrettes tirées par des bœufs s'ajoutent au décor pour dire qu'on est loin de la capitale.

 

Pour se restaurer à toute heure du jour des gargotes le long des rues.

 

J'arrive enfin au bureau de la compagnie qui fait aussi guest-house et qui je vois à l'intérieur descendre l'escalier, mes voisins de cars. Un couple sympa de vrais routards dont lui, parle parfaitement anglais, "mes sauveurs" m'exclamai-je ! Quelques minutes plus tard j'ai enfin mon billet, soupir de soulagement et remerciements chaleureux.

 

En haut, à gauche, cuisine ambulante de nuit, à côté, le vendeur de cacahouètes et dessous à gauche, la dame regarde  les bouteilles d'essence pour les scooters, à côté, des bœufs pour la livraison !

 

Tout cela nous a donné faim et nous décidons ensemble de trouver un endroit pour grignoter. Au Cambodge, pas de problème on peut manger à toute heure du jour ! dans une rue tranquille nous dégotons un petit restau aux fauteuils de rotin accueillants à souhait pour calmer notre faim. Des nouilles de riz à la subtile sauce coco et un teukolok  (boisson typique khmer, des œufs, du sucre et du lait avec banane, mangue, ananas, papaye, le tout mixé) parfumé à souhait. Bonjour aux calories mais tellement délicieux !

 

 Les maisons tout le long de la route.

 

Et hop on est reparti bien rassasié et hydraté pour Wat Ek, un temple du 9e siècle à 12 km de là. Le tuk-tuk emprunte une jolie piste de terre rouge bordée tout le long de maisons à pilotis. Le riz est en train de sécher devant les habitations et déborde allègrement sur la route. L'air est empli de parfums, de cris d'enfants et des flons flons d'un mariage.

 

 

 

Nous sommes à la période sèche, les rizières sont nues mais la campagne a de jolis airs bucoliques. Ne vous imaginez pas un air de ressemblance avec la campagne européenne, bien propre sur elle.  S'égrènent tout le long du chemin de jolies maisons à pilotis, de charmants petits potagers, des ruisseaux serpentent mollement et des arbres majestueux donnent leur ombre généreusement. Mais comme partout, ici, le long des routes, toujours des détritus de toutes sortes. Pour parfaire le tableau, on double quelques charrettes tirées par des bœufs nonchalants.

 

 

    

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ici on est dans ce que l'on appellerait le "grenier" du Cambodge. Des rizières bien sûr et qui donnent le meilleur riz mais aussi beaucoup d'orangers dont les fruits sont un délice. On cueille aussi les meilleures noix de coco dont l'eau et la chair sont particulièrement sucrées. Les goyaves mais aussi des ananas sans oublier les mangues pour mon plus grand plaisir !

 

 

Enfin Wat Ek, de ravissantes ruines au bout de 30 mn sur un espèce de tertre jouxtant une pagode des plus kitsch ! Le Wat, lui, a subit pas mal les outrages du temps mais aussi des hommes. Ce n'est que  chaos, portes et fenêtres de guingois avec leurs incontournables colonnettes sculptées sans oublier le sempiternel "Barattage de la mer de lait" ! Ici ce serait plutôt hindouiste avec un Shiva chevauchant un taureau à tête de démon !

 

 

Loin de la foule d'Angkor, ici on est seul. On enjambe, ce bric-à-brac de blocs de pierre, le soleil dessine là et là des ombres romantiques. L'étang de fleurs de lotus pour le moment n'explose pas de couleurs, le feu d'artifice sera pour plus tard. Un chien vient nous renifler et s'éloigne, notre odeur ne lui est pas familière et ne l'intéresse pas!

 

 

La pagode est bouddhiste et comme toutes celles du pays elle  sert aussi d'école et de… salle de fête pour les villageois !

 

 

Retour à la ville,le jour décline et donc amène une certaine fraîcheur, je peux m'égarer au pif à travers son maillage de rues. Petit mémo pour ne pas passer pour une inculte.

Battambang est la deuxième ville du pays avec 250 000 habitants et surtout situé sur un axe commercial important servant de lien avec la Thaïlande et le Laos. Ici tout un melting pot d'ethnies thaïes, laotiennes, chinoises et khmères.

 

En haut à gauche, vestiges français, à côté, le marché, en dessous à gauche, la maison du gouverneur et
des immeubles toujours d'époque coloniale.

 

La rivière, la Sangker qui la longe se jetant  plus loin dans le lac Tonlé Sap à aussi son importance et sert de voie d'eau. On y transporte bétail, touristes et commerçants liant ainsi la ville à Siem Rap par un dédale de canaux, bonjour le voyage quand la rivière est à son niveau le plus bas mais dépaysement garanti! 

Mais que veut dire son nom  "Bâton disparu" ? pour mieux l'expliquer je vous en donne la légende du coin.

 

Le long de la rivière, la promenade avec une drôle de sculpture faites de vestiges guerriers,
en bas à droite le fameux Dambamg.


Il y a fort longtemps, un bûcheron et de plus géant du nom de Dambang Kranhoung vivait dans le Royaume d'Angkor. Son nom "dambang" se traduisait par  "bâton" c'était un véritable tronc qui provenait d'un arbre dont le bois était dur comme le fer  "le kranhoung" et qui ne le quittait jamais au cas ou un géant encore plus fort que lui aurait le malheur de lui chercher des noises !

A plusieurs reprises, Dambang s'opposa au roi Khmer de l'époque et... un jour suite à des broutilles, il fit tournoyer son bâton et le lança violemment. Le bâton s'éleva dans les airs et disparut. L'endroit où on le retrouva prit le nom de Bat Dambang (Battambang) : "le bâton perdu retrouvé !!!" On éleva alors une statue représentant Dambang Kranhoung à genoux, tourné vers l'Est (Phnom-Penh), présentant son bâton en signe de soumission au Roi et à l'Etat.

 

 

Quand les Français débarquèrent en 1907 à Battambang, elle était redevenue grâce à eux, cambodgienne. Elle avait été annexée au 18e siècle  au royaume de Siam pour lui appartenir de nouveau au cours de la Deuxième Guerre mondiale mais qui prit fin lorsque le pays devint indépendant en 1954.

 

La population au début du 20e siècle.

 

A l'époque, ce n'était qu'une grosse agglomération aux maisons sur pilotis s'étendant le long de la rivière jusqu'au lac. On rasa, on urbanisa, on construisit et on relia la ville à la capitale par une ligne de chemin de fer depuis longtemps disparue parmi les herbes folles.

On fit venir des commerçants chinois qui s'empressèrent d'ouvrir des échoppes en tout genres. On construisit en 1936 aussi un marché le Psar Nat dans le plus pur style Art déco toujours en activité et avec son beau jaune vif qui sert de point de repère dans la ville.

 


Subsistent beaucoup d'immeubles de cette époque bénie si l'on peut dire. Quelques constructions khmères mélangent leurs couleurs acidulées à la rigueur architectural de l'Art déco. Toujours debout, plus ou moins en piteux état, les maisons coloniales le long de la rivière, des cafés  mais aussi des boulangeries françaises le long des rues qui sont aussi ici numérotées. 

 

 La cordonnière et l'affuteur de lames.

 

J'adore flâner, nez au vent, me laisser porter par mon humeur. Ici c'est toujours un plaisir renouvelé et jamais inconnu. je m'arrête pour prendre en photo un régime de bananes posé tout simplement sur le trottoir, je regarde l'affûteur de couteaux tout heureux de me faire une démo ! Je me perds dans les allées du marché, j'observe fascinée le tourneur d'ivoire qui avec une dextérité fantastique sculpte des minuscules personnages !

 

 

Plus loin, c'est un bataillon de couturières, toujours sur d'antiques machines à pédales qui cousent des robes de princesse, quelque unes enfilent de délicates perles transformant un simple corsage en joyau haute couture ! Dehors, la cordonnière redonne vie à la pire paire de godasse éculée à mort !

 

 

Tout autour, ce ne sont qu'étals colorés, parfumés, d'amoncellements mystérieux en attente d'improbables palais ! Une succession de gigantesques gamelles d'où s'échappe allègrement des effluves inconnues, on touille, on coupe, on goûte et ces dames tout en s'interpellant joyeusement élaborent des mets délicieux et insoupçonnés ! quel régal de partir à la rencontre malgré la chaleur de soupes parfumées et finalement désaltérantes.

 

 

Le matin, le pire qui puisse m'arriver, c'est de ne pas aussitôt mis un pied hors du lit de filer prendre mon petit-déj. Horreur, l'hôtel n'en sert pas !. La clientèle asiatique n'est pas adepte de nos rituels matinaux, eux, c'est bol de soupe et quelques morceaux de viande ou de poisson qu'ils prennent dans une des multiples gargotes qui jalonnent les villes et les routes.

 


Aussi me voilà parti à la recherche de mon petit-déj. Mes pas m'amènent rapidement dans la rue des restau et dare-dare une enseigne me fais signe d'y poser mes fesses. Un endroit sympa, le Smokin'Pot un petit-déj à l'européenne copieux et délicieux. Repue je suis d'attaque à affronter la ville. J'emprunte la rue qui longe la rivière, direction la Résidence du gouverneur vestige colonial, c'est tout dire! La chaleur commence à se faire sentir, les tuk-tuk m'interpellent toujours étonnés qu'un occidental et de plus une femme marche de se propres peutons !

 

Balayage des rues et  poubelles.

 

Enfin la maison du gouverneur, dont le dernier fut siamois et qui ne l'a jamais habité. Elle a belle allure toute repomponnée de jaune soleil. Dommage, les grilles la protègent de toute intrusion et pourtant c'est ce qui sert d'hôtel de région ! Je continue vers le fameux rond point à l'entrée de la ville ou se trouve le fameux Dambang. Statue imposante et très vénérée par les Cambodgiens qui viennent y déposer des bâtonnets d'encens !

Je retourne vers le centre en empruntant le vieux pont de pierres et en longeant l'autre rive. Des pêcheurs, des enfants s'ébrouent joyeusement dans l'eau bourbeuse. Je croise quelques touristes, on se fait un "hello" joyeux et chacun continue de son côté.

 

 

Je vais rendre visite à l'ancienne gare assoupie parmi les herbes folles et qui dort d'un sommeil entrecoupé de songes de TGV ! Comme partout dans le pays, plus de trains, mais ici les habitants continuent à utiliser une partie de la voie ferrée pour leurs commodités par une plate-forme en bambou fonctionnant à l'aide d'un moteur de bagnole ou peut-être d'une tondeuse. Folklore garanti mais je ne l'ai pas utilisé ! 

Après un déjeuner délicieux au Smokin Pot, direction le Musée. Ouverture à 14h, j'attends devant les grilles et j'ai plus que le temps  d'admirer le bâtiment dans le style pagode. Il a été créé en 1968 par un français m'a t'on dit. Je commence à ressentir la chaleur, je fais les cent pas, un européen à l'allure décidée, la crinière argentée au vent passe à proximité et me dit d'attendre que l'ouverture ne saurait tarder.

 

 

Nous commençons à échanger quelques mots, il est Suisse et en mission humanitaire pour la construction d'habitations pour les plus démunis. Il vient tous les ans depuis un sacré bail passer quelques mois au Cambodge avec son association. Il me souhaite bonne suite à mon voyage et part vers son destin. Voilà deux dames qui avec le sourire ouvrent les grilles et me disent qu'aujourd'hui c'est La Journée de la femme pour excuser peut-être le retard !

C'est un petit musée suranné comme ceux que l'on trouvait en France dans les années 60 ! Un bric-à-brac à la Prévert avec de superbes linteaux préangkoriens, des têtes du Bouddha à faire tourner sa tête, une succession de petites salles poussiéreuses aux ventilos antiques définitivement off course.

Des Ganesh et Shiva divinement sculptés, des objets en bronze, de fines terres cuites et de délicates porcelaines s'ajoutent au tableau. Dans une autre salle d'antiques statues du Bouddha des 16e et 17e siècles rescapées d'un watt finissent leur vie. Quelques beaux meubles chinois ici et là. J'ai adoré l'endroit, je m'y suis promenée seule à travers les salles, un jardin  fleuri tout désordonné pour se poser, un moment hors du temps.

 

 

Tout à côté, Wat Damrei Sa, l'une des plus belle pagode du pays qui a survécu au carnage khmer. Elle est née au début du 20e siècle et ses murs racontent  dans des bas reliefs digne de Bosch des scènes passionnantes du Rāmāyaṇa qui est en quelque sorte l'Ancien testament hindouiste.

 

 

L'endroit avait quelque chose hors du temps, il flottait dans l'air une sérénité palpable qui vous enveloppait vous aussi d'un kesa invisible. Des moines vaquaient à leurs occupations en traversant l'espace de leurs nonchalance ocrée.

 

 

 

Un moment de paix et de sérénité intense et inoubliable à travers les stupas m'ont fait oublier un instant la canicule. L'après-midi a filé et pour retrouver mes routards qui eux sillonnaient la campagne sur une moto, j'ai longé la rivière bordée d'une grande esplanade.

 

 

Et  là surprise, des femmes de tous âges faisaient de la gym au son de disco et menées tambour battant par un jeune athlète. Je me suis jointe au premier groupe et malgré le barrage de la langue nous avons beaucoup ris, elles, surtout devant mes figures clownesques ! 

La nuit tombe vite, la fraîcheur sort à petits pas. Les fauteuils en rotin du Madison Corner étaient les bienvenus après cette journée hot. Une terrasse agréable pour suivre l'animation de la rue.

 

 

 Cuisine ambulante le soir, le vendeur de cacahouétes,  
la dame hésite devant les bouteilles d'essence pour motos.
Les bœufs assurent la livraison en ville.

 

Entre chien et loup, c'est une véritable nuée de  gargotes ambulantes qui déboulent des quatre coins de la ville pour se poser le long des trottoirs. Ce sont essentiellement des femmes qui sur leurs petits réchauds font cuire des délices. De grosses crêpes croustillantes fourrées de légumes odorants nous ont changés des éternelles cacahouètes. Avec les petits rhums nous étions sur un grand nuage ! Après quelques tournées, direction le White Rose pour un dîner au balcon.

La clientèle est hétéroclite faite de Cambodgiens et de touristes de tous horizons. Comme dans tous les restaurants, on attends, on attends ! Ici pas de plats surgelés passés quelques secondes au micro-onde. Des portions généreuses de curry mais sans trop de finesse nous sont enfin apportées. Le décor est moyen fait de quelques jolies chaises sculptées, de petits rideaux aux fenêtres joliment ouvragées.

Et là, horreur, en regardant les gens déambuler dans la rue, que vois-je dans la cour de l'immeuble en face, une troupe de rats qui jouent un ballet incessant entre ce qui doit être des poubelles. !!! La bière comme d'hab était douce et amère, elle porte le nom d'Ankgor et le pays lui a voué un culte.

Nous nous séparons pour une nuit réparatrice car demain nous allons dans des directions différentes. Moi je rejoins Shianoukville pour un final de 3 jours à me baigner avant de regagner la France. Mes routards, eux continuent vers la frontière Thaïlandaise.

Bye bye les amis à bientôt sur le Net !

 

Une pensée émue pour cette région ou eut lieu les  prémices de la guerre civile en 1967 pour aboutir quelques années plus tard à la prise du pouvoir par les khmers rouges. Les fameuses grottes de Phnom Sampeu ou furent exterminés des milliers de prisonniers n'ont pas eues ma visite non par absence de compassion mais plutôt pour exorciser la terreur des guerres et de ses dérapages sanguinaires.


16/12/2015
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