ICI, LÀ ET AILLEURS

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EGYPTE - Abu Simbel

Un pari tenu dans une salle de cours des
beaux-arts en 1963 m'amena  bien des années plus tard devant cette splendeur inégalée mais sauvée, découpée, remontée 65 mètres au-dessus de son site initial.

 

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Les deux temples depuis plus de 3000 ans en Nubie dressent leurs majestueuses façades creusées à même le grès rose face au Nil autrefois, aujourd'hui tout au bout du lac Nasser en adoptant la pente de la falaise d'Ibshek, un copié-collé unique au monde qui nous laisse pantois et émerveillé devant un tel miracle !

 

 

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Partiellement enfouies par le sable au cours des siècles, ce n'est qu'au 19e que beaucoup d'hommes, célèbres et moins célèbres s'intéressèrent à ces merveilles.
C'est de ces hommes dont je vais vous parler, ceux qui découvrirent et ceux qui sauvèrent ces temples qui par delà ces milliers d'années nous interpellent et nous fascinent.

 

 

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Le premier, l'homme qui découvrit Petra, l'explorateur Burkhard repéra le site en 1813 et le le nota dans son récit, mais ce n'était alors que quelques statues enfouies par les sables qui montraient leurs têtes.
En 1816, Drovetti, lui, se rendit sur le site avec la ferme intention de dégager en partie l'entrée du temple.

 

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  Burkhard                            Drovetti                                              Belzoni

 

Malheureusement, après pas mal de déboires avec les habitants il se résigna à abandonner le déblaiement et rentra au Caire.
Mais la même année, l'aventurier Belzoni, payé par les anglais, tente une nouvelle fois de désensabler la façade du grand temple. De nouveau l'abandon faute de réserve de nourriture, il faut dire qu'à l'époque les petits plats lyophilisés n'existaient pas encore !

 

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Têtu et tenace, Belzoni revint une deuxième fois et arriva avec son équipe à dégager le haut du portail et en bon aventurier il se glissa à l'intérieur du temple, ô déception, il était vide !

Et toujours le mystère, les statues sont-elles assises ou debout ? C'est Salt et Bankes qui donnèrent la réponse en 1818 en dégageant le colosse sud et son pote.

 

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Soudain, les temples devinrent célèbres et Abu Simbel vit arriver des cohortes de touristes ainsi que des égyptologues avertis. Tous ces messieurs et peu de dames voulurent un morceau du gâteau.
C'est ainsi qu'on vit bien sûr le fameux Champollion, Lepsuis qui rendit trois visites aux temples, et Andrew McCallum, compagnon de voyage de la journaliste aventurière Amelia Edwards, découvrit lui, la chapelle méridionale en 1874.

 

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Le site vu du Nil en 1905.

 

Ce n'est qu'en 1909 que Barsanti, architecte, profita de la montée des eaux dues à la construction du premier barrage d'Assouan pour déblayer la terrasse et extraire les statues qui la décorent. Il mit à jour la chapelle du nord et acheva le désensablage et consolida l'ensemble.
On oubliait que la construction du Sadd el-Ali, le deuxième barrage allait mettre le site sous l'eau !
Les autorités égyptiennes alertèrent l'opinion publique entre 1960 et 1963, une campagne de presse internationale vit le jour pour le sauvetage du site.

Des propositions affluèrent des quatre coins de la planète souvent farfelues. L'UNESCO prit les choses en main et créa une commission pour examiner les projets. Un fut retenu. Il préconisait la surélévation des temples. La plupart des égyptologues n'étaient pas de cet avis et souhaitaient conserver les temples sur leur lieu d'origine.

 

 

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Les temples à l'origine et au-dessus ce que l'on peut voir actuellement.

 

Le projet préliminaire fut confié à une société suédoise. Financièrement les techniques s'avéraient impossibles et finalement ce fut l'option du découpage et du remontage des temples qui fut choisie.
Les travaux furent estimés à 36 millions de dollars mais la facture finale coûtera 40 millions de dollars.
Après beaucoup de discussions et d'interminables réunions les travaux commencèrent au début de 1964.

 

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La construction de la colline et l'intérieur de la coupole

 

Plusieurs étapes furent nécessaires, d'abord la construction d'un batardeau en avant des temples qui permettrait de tenir les temples au sec durant le découpage.
Avant le découpage il fallut enlever la partie rocheuse qui se trouvait au-dessus des temples. La chose fut faite à grand renfort d'échafaudages permettant de soutenir les murs et les plafonds des salles.
La phase finale consistant au découpage commença le 12 août 1965 pour se terminer fin juillet 1966.
Mille cent quarante deux blocs furent numérotés, attention aux erreurs !

 

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Les temples furent remontés 65 mètres au-dessus de leur origine en veillant bien à leur orientation et leur position l'un par rapport à l'autre.
Un ouvrage de béton armé fut coulé derrière les murs intérieurs et afin de supporter le poids des collines, bien sûr fausses, une structure en forme de voûte, que l'on visitait il y a quelques années, fut montée pour donner l'illusion de l'original.

 Les dômes ainsi reconstitués furent recouverts de milliers de blocs de grès tout cela pour redonner l'aspect des falaises originelles.

 

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Par delà les barrières linguistiques, religieuses et raciales, des hommes  dans l'enthousiasme de leur humanité s'étaient donnés la main pour rejoindre l'éternité.
Le 22 septembre 1969, malgré tous les obstacles et les difficultés, c'est le sauvetage réussi du temple des millions d'années, celui de Ramsès et de son épouse royale Néfertari.

Une femme, une française passionnée, une égyptologue reconnue mondialement a beaucoup œuvré pour qu'Abu Simbel soit éternel et cette femme on ne peut que l'admirer et la remercier. Merci à Christiane Desroches Noblecourt.

 

 

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Un jour de décembre au 21e siècle - Quand le bateau contourna la colline, glissant doucement sur l'eau frissonnante, une émotion intense nous emplit. Là, devant nous, dans l'azur d'un matin naissant, les deux temples sortaient de nos rêves pour vibrer dans l'air tiède et silencieux.
Peu de monde, pour ne pas dire désert, sur le site à cette heure. Les larmes aux yeux et le cœur battant la chamade nous étions sans voix devant le décor grandiose qui s'offrait à nous.

 

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Le bateau accosta dans une petite crique et aussitôt nous descendîmes sur la terre ferme accompagnés de notre guide. Une journée féerique nous attendait jusqu'au lendemain matin  ou nous regagnerions Assouan par la route dans le désert de Nubie pleine de mirages et sous bonne escorte. Fin du voyage, bonjour les souvenirs.

 

 

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Mais en attendant, à nous Ramsès et Néfertari nous avons pleins de choses à nous dire !

Nous étions seuls ou pratiquement à faire le tour du site avec les commentaires passionnants d'Amhed aussi bien techniques qu'historiques, je ne vais pas vous la refaire, l'histoire vous attends quelque part dans une encyclopédie bien connue !

 

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Quand on se trouve face au temple avec ses quatre statues colossales de Ramsès brusquement on est ramené à l'essentiel de la vie et de l'éternité. La beauté des sculptures et leurs magnifiques proportions vous interpellent grave.

 

 

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Puis nous pénétrâmes dans le pronaos  accueillis de part et d'autre par 8 colosses de plus de 10 mètres de haut à l'effigie de Ramsès fait dieu.

 

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Tout autour sur les murs des fresques guerrières ou d'offrandes toutes en délicatesse raffinées. On s'approche, on examine, on soupire, on s'exclame, on chuchote de peur que les dieux soient contrariés de nos examens aussi minutieux !

 

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Tout au fond le naos, le cœur du temple avec ses quatre statues, Ptah, dieu des architectes mais aussi celui qui créa le monde,  Ré-Horakhty le dieu du soleil levant, Ramsès II et Amon Ré le plus puissant de tous.  

Deux fois par an, trois statues sont éclairées par les rayons régénérateurs du soleil levant dont les dieux se nourissent, seul Ptah reste dans l'ombre, sa place est toujours dans l'obscurité. Le génie du constructeur a été pratiquement refait à l'identique avec 2 jours de décalage. Je n'ai pas eu cette chance de l'observer car cela se passe en octobre et un autre mois.

Après un déjeuner sur le pont du bateau qui s'est avancé face aux temples nous reprîmes rapidement notre visite. Par contre, la chaleur fut à la limite du supportable, là, en plein mois de décembre le thermomètre c'est du 30°, pas moins, pas plus !

 

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Direction le petit temple celui dédié à Nerfertari l'épouse bien-aimée faisant une avec Hathor. Pas aussi imposant que celui de sa moitié mais tout aussi intéressant.

 

Photo-176.jpg Néfertari

 

La façade est occupée par les six statues monumentales de 10 mètres de hauteur de Ramsès et Néfertari avec dans leurs jambes tous les rejetons royaux, princes et princesses.

 

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Quand nous pénètrâmes dans la cour intérieure même impression que dans celle du grand temple. Là ce sont six piliers dont les chapiteaux sont des têtes d'Hathor. Ici aussi des scènes de chasse ou de guerre sans oublier les offrandes. Passionnante bande dessinée avant l'heure.

Puis comme partout c'est ensuite un vestibule toujours décoré de scènes en tout genres. Puis tout au bout le saint des saints, le sanctuaire avec la représentation de la vache Athor en rond de bosse dans la paroi brute de la falaise.

 

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Différentes représentations de la déesse Hathor

Et toujours le couple royal déifié offrant à leurs avatars terrestres de l'encens. C'est une foultitude de scènes, de personnages et de dieux, faut bien suivre car on est vite perdu si on a pas bien appris la leçon. On ressort dans la lumière éblouissante un peu sonné, la tête bourdonnante.

Chacun à sa manière repart à la découverte d'un détail oublié, d'une statue qu'on à repéré et qu'on ne voudrait pas oublier, histoire de l'imprimer dans le plus profond de soi. On voudrai oublier l'appareil photos, faire que notre mémoire flash chaque instant mais c'est dur dur de faire l'impasse.

 

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La nuit arriva vite, le temps passe à grande vitesse, on voulu voir et revoir une statue, un personnage d'une fresque, le drapé d'un vêtement, hélas il fallut regagner le bateau pour assister après dîner au son et lumière. Le dîner fut superbe face aux temples dans la nuit étoilée et douce. Les bougies ici et là nous donnaient des airs mystérieux de déesses et de dieux, tout autour les serviteurs en costumes immaculés murmuraient des noms pleins de senteurs délicieuses.

Le spectacle fut grandiose, la nuit nous enveloppait de sa magie, les lumières fusaient sur les dieux, la pierre vibrait sous les sons et Ramsès et Néfertari revivaient sous nos yeux !

Fin de la journée chez les dieux, dans mon sommeil Ramsès me prit dans ses bras et nous dansâmes toute la nuit !



16/11/2015
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